L'esprit de l'oeuvre et le droit moral de l'auteur

L'esprit de l'œuvre et le droit moral de l'auteur

Par Frédéric POLLAUD-DULIAN, Agrégé des facultés de droit, Professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris 1), Directeur du Master 2 « Propriété industrielle et artistique »

Qu’est-ce que l’esprit de l’œuvre ? L’œuvre se présente d’abord comme une forme, achevée ou non : l’intégrité de cette forme doit être protégée. Si elle est achevée, on ne peut rien y ajouter, ni en retrancher sans l’accord préalable de l’auteur. Tel est l’attendu de principe posé par la Cour de cassation dans un arrêt du 24 février 1998 1 et rappelé dans le second arrêt « On va fluncher » en 2006 : « le respect dû à l’œuvre en interdit toute altération ou modification, quelle qu’en soit l’importance ». Lorsqu’elle n’est pas achevée, le même principe s’applique, sauf à ce que les ayants droit de l’auteur défunt, titulaires du droit moral, procèdent aux mises en forme nécessaires à la publication de l’œuvre dans le respect de la volonté de l’auteur et de l’esprit de son œuvre. Que l’on songe, par exemple, au décryptage du « Journal des Goncourt » ou surtout à l’achèvement des trois derniers volumes de « À la recherche du temps perdu » après la mort de Proust par son frère, qui collationna des manuscrits et dactylographies différentes et opéra un découpage pour rendre le texte publiable.